Atelier-conférence : agriculture locale – comment et à quel prix ?

Comment définir un prix juste pour les denrées alimentaires ? Des agriculteurs jurassiens ont discuté de cette problématique samedi 9 avril 2002  à la Clef des Champs, à Courgenay. Cette rencontre a été suivie d’une série de conférences autour de l’agriculture locale.

Cet événement, organisé conjointement par la Ferme des Romains et la Coopérative La Clef-Des-Champs, avait pour but de sensibiliser les participants aux difficultés que rencontrent les petites exploitations artisanales et diversifiées face à la concurrence des grandes exploitations très spécialisées et mécanisées, notamment maraîchères, qui alimentent les grossistes, la grande distribution et une partie des petits commerces.

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Fernand Cuche, invité, a tout d’abord relevé les défaillances d’un système de subventionnement de l`agriculture basé essentiellement sur les surfaces cultivées, favorisant la course à s’agrandir. Une politique ne prenant ni en considération l’impact environnemental, ni l’impact social de la production agricole et qui manque, notamment, de reconnaissance quant au travail des épouses. Selon lui, la prise de conscience du public envers les problèmes liés au système agricole actuel augmente et la demande pour un système agricole plus propre et plus juste est là. Néanmoins, les autorités politiques ne sont pas assez proactives et jouent trop souvent le jeu des lobbies économiques.

Antonio Castro, Secrétaire syndical Unia Seeland, relève que, la main d'œuvre agricole, souvent saisonnière et étrangère étant que peu syndiquée, UNIA n’intervient que rarement dans ce secteur. Il mentionne le fait que le contrat-type, qui propose un cadre non-contraignant pour l’embauche agricole, peut obliger, selon les cantons, à travailler 60h semaine pour 3300CHF. Pas étonnant que les travailleurs suisses rechignent à prendre ces emplois pénibles. Le modèle agricole suisse actuel se laissant aller à une dépendance toujours plus grande à cette main d'œuvre étrangère, docile et rentable, certaines entreprises agricoles n’hésitent pas à se convertir en agence de placement, louant à d’autres “leur”  main d'œuvre saisonnière.

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David Bischel, ingénieur agronome, spécialiste des micro-fermes maraîchères et dernier intervenant de cette journée, a mis en avant la plus-value des petites structures agricoles. D’une part, les petites exploitations faisant de la vente directe produisent généralement une grande diversité d’aliments pour agrémenter leur offre. A la Clef des champs comme à la ferme des Romains, par exemple, une quarantaine de légumes sont cultivés sur l’année, ils produisent également des fruits, des céréales, de la viande et toute une gamme de produits transformés, le tout sur quelques poignées d’hectares. D’autre part, selon lui, ces petites structures intègrent volontiers et souvent spontanément une approche favorable à la biodiversité dans le but de préserver l’habitat pour un maximum d’espèces, dont l’humain. Ces petites exploitations ont pour idéal le développement d’un système agricole résilient. Malgré ces idéaux, d’un point de vue strictement économique à court terme, les modèles agricoles à petite échelle sont moins performants et peinent à dégager des salaires décents pour leurs travailleurs. Effectivement, pour pouvoir vendre leur production, les petites exploitations agricoles, souvent, s’alignent au prix du marché. Le prix se décide sur un “équilibre” entre l’offre et la demande du marché national, plutôt que sur le réel coût de production, qui inclurait notamment, le salaire du producteur, employé ou indépendant.

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Finalement, malgré toutes les éloges que la suisse fait de son agriculture, en lisant entre les lignes on s'aperçoit que le constat n’est pas rose entre les abus sociaux, les pollutions, l’effondrement de la biodiversité, etc.. Et Fernand Cuche de conclure, avec effarement, qu’on ne parvient pas, malgré les milliards qu’on y injecte chaque année, à rendre l’agriculture écologiquement et socialement plus durable…